La Term-sheet est un moment clé de la levée de fonds : c’est à ce stade que toutes les négociations avec l’investisseur se cristallisent et c'est d'elle que découle toute l'opération.
La term-sheet est en effet la base du pacte d’associés qui sera signé par la suite avec l’investisseur.
Une fois qu’elle est signée, il est très difficile – voire impossible – de revenir en arrière.
Il faut également garder en tête que tous les droits accordés aux investisseurs créent un précédent pour les tours suivants. Le pacte d’associés d’un tour est la base des négociations du tour suivant.
Vous l’aurez compris, la négociation de la term-sheet est une étape à ne surtout pas négliger.
Dans cet article, nous allons parler des clauses clés qu'il faut absolument retrouver dans une term-sheet, de celles qu'il faut négocier et des clauses à refuser sans se poser de question : de la valorisation de la société à sa gouvernance, en passant par les droits des investisseurs et les engagements des fondateurs, nous allons vous donner les clés pour négocier une term-sheet béton et maitriser votre levée de fonds.
Si vous n’êtes pas familiers avec les différents types de levée (seed, série A, série B), nous vous invitons à lire au préalable notre article sur la timeline d'une levée de fonds.
1- Au début d'une term-sheet, il y a un état des lieux : qui est la société, qui sont ses fondateurs, qui est l'investisseur ou s'il y a plusieurs investisseurs, qui est l'investisseur principal (le lead) et qui sont les investisseurs minoritaires (les suiveurs).
2- On trouve ensuite la valorisation de la société, c'est-à-dire ce qu’elle vaut avant l'investissement. C'est ce qu'on appelle la valorisation pre money. Elle se négocie dès le début avec l'investisseur, en ayant en tête le niveau de dilution que l’on est prêt•e à lâcher selon le montant d’investissement que l’on cherche ou qui est proposé.
La dilution market practice est d’environ 15% à 25% maximum de dilution à chaque tour. Il est conseillé de ne pas trop se diluer lors des premières levées, en pre-seed et en seed, au risque de ne plus avoir la majorité de la société et donc d’avoir du mal à lever en série A par exemple.
Le jeu consiste alors à aller chercher la meilleure valorisation afin d’être le moins dilué possible : lorsqu’on a plusieurs term-sheets, il est plus facile de mettre les investisseurs en concurrence et d'obtenir la valorisation souhaitée (et pour avoir plusieurs term-sheets, nous vous conseillons d'aller lire notre article qui explique comment rendre une startup investor friendly).
3 – La term-sheet indique ensuite le type d'actions que reçoit l'investisseur : notre recommandation est de lui donner des actions ordinaires avec des droits préférentiels qui figurent dans le pacte d'associés et pas dans les statuts. Nous conseillons d’éviter à tout prix les actions de préférence statutaires, qui impliquent une procédure lourde et coûteuse avec l'intervention d'un commissaire aux avantages particuliers. Pour faire un pas vers l'investisseur, on peut lui donner la faculté de convertir ses actions ordinaires en actions de préférence statutaires.
4 – On peut également trouver dans la term-sheet des informations sur le pool d'options (BSPCE/BSA/stock) à mettre en place pour intéresser les salariés et partenaires de la société : il faut voir qui va supporter le coût de la dilution de ces options. Si la société n’a pas encore de salariés, il n’est pas forcément nécessaire de prévoir un pool d'options à ce stade.
5 – On peut également trouver des indications relatives aux BSA ratchet, qui sont un mécanisme de relution pour l'investisseur, si un nouveau tour de financement se fait sur la base d'une valorisation plus basse que celle à laquelle il est entré et donc à un prix par action inférieur à celui que lui-même a payé. Nous conseillons d’éviter autant que possible d'accorder des outils de relution à l'investisseur lors des premières levées, sinon les investisseurs des tours suivants le demanderont systématiquement.
Si vraiment le BSA Ratchet ne peut pas être évité, il faut le limiter au maximum. Plusieurs moyens sont possibles, par exemple encadrer précisément le temps que l'investisseur aura pour l'exercer, ou encore prévoir qu'il ne pourra l'exercer que s'il participe au tour suivant.
On trouve ensuite dans la term-sheet des règles encadrant les transferts des actions de la société.
Par exemple, les actions du fondateur / de la fondatrice seront incessibles - il•elle ne pourra donc pas les vendre – pendant une certaine durée, à négocier. En général cette durée est alignée avec la durée des clauses de leaver que nous évoquerons plus bas.
La durée market practice est généralement de 4 ans de lock up.
A noter : les actions constituent souvent l’unique patrimoine du fondateur / de la fondatrice. Il est donc recommandé de demande une respiration pour faire un peu de cash out, cela permet au fondateur / à la fondatrice de céder librement un pourcentage de ses actions.
En général, cette respiration va de 5 à 20% des actions détenues. Toutefois, en pre-seed et en seed il peut être plus difficile d’avoir une faculté de respiration de 20% : la société étant récente, faire du cash out se justifie moins.
Une alternative possible est de prévoir un reverse-vesting des actions : le fondateur / la fondatrice débloque chaque année un nombre d’actions qui ne seront plus soumises à l’inaliénabilité et qui pourront donc être cédées.
Dans tous les cas, en cas de vente des actions, il conviendra de respecter le droit de préemption des associés
C'est le droit d'acquérir par priorité les actions que veut céder un associé.
En général on cherche à limiter ce droit aux fondateurs•trices et aux investisseurs majoritaires.
Il faut en effet maintenir l'équilibre capitalistique et les blocs de détention (fondateurs•trices/investisseurs). A cette fin, on peut mettre en place des rangs de priorité : par exemple si un•e fondateur•trice cède des actions, c’est un•e autre fondateur•trice qui peut les racheter en priorité. A l’inverse, si c’est un investisseur qui cède c’est un autre investisseur qui peut racheter ses actions en priorité.
C’est un droit qui permet à tous les associés de céder la totalité de leurs actions en cas de changement de contrôle.
Attention à bien identifier les cas de déclenchement de ce droit. Les cas les plus usuels sont :
En cas de cession par un associé d’une partie de ses actions, ce droit permet aux associés de se greffer à la cession, en cédant également leurs actions au prorata de leur participation. L'acquéreur obtiendra le nombre d’actions prévu initialement mais auprès de plusieurs cédants : celui qui voulait céder ses actions initialement plus les associés ayant exercé leur droit de sortie conjointe proportionnelle.
Un conseil : limitez ce droit aux principaux investisseurs et non aux minoritaires, sinon ça peut devenir lourd en terme de process.
En cas d’offre de rachat de 90%, 95% ou 100% du capital de la société, les bénéficiaires de ce droit peuvent forcer les autres associés à céder leurs actions.
Pour cela, les bénéficiaires de ce droit doivent représenter un certain pourcentage du capital. C’est ce pourcentage qu’il faut négocier, à savoir qui sont les associés qui peuvent forcer les autres à céder. En général ce sont à minima les fondateurs•trices mais les investisseurs voudront aussi avoir leur mot à dire et voudront donc être inclus.
La situation idéale côté startup, c’est que ce droit soit à la main des fondateurs•trices uniquement. S'il faut faire un pas vers l'investisseur, on peut prévoir de se dispenser de son autorisation si le prix de rachat lui permet de faire un multiple. Dans ce cas, il faut aussi négocier ce multiple.
Ce sont des transferts qui ne sont pas soumis à la préemption et aux droits de sortie conjointe, par exemple :
La term-sheet comporte une partie sur la gouvernance de la société : l'investisseur va demander la mise en place d'un comité/conseil/board dans lequel il aura droit à un siège.
Ce board peut être simplement consultatif ou plus stratégique avec un droit de vote de l'investisseur et donc un droit de veto.
L'enjeu ici est d'avoir un board qui apporte de la valeur et qui aide vraiment la société à prendre des décisions stratégiques, sans la bloquer dans sa gestion au quotidien.
Il faut donc vérifier 4 éléments :
1. La composition du board : pour qu’il soit efficace, il vaut mieux limiter ses membres aux fondateurs, aux investisseurs principaux (idéalement la bonne personne qui connait bien le business et qui est l’interlocuteur de la startup pendant la levée) et un tiers, pour son expertise et sa connaissance du business, qui apportera une certaine objectivité au board.
2. Les règles de vote : on prévoit généralement une prise de décisions à la majorité simple, le cas échéant avec le vote favorable d'un investisseur ou d'une partie des investisseurs. S’il faut accorder des droits de veto, mieux vaut s’assurer qu'il n’y en ait qu'un et pas un droit de veto par investisseur, sinon ça peut vite créer des blocages.
3. La liste des décisions : il est conseillé de limiter au maximum cette liste pour éviter de devoir convoquer le board tous les 4 matins. On doit y trouver seulement des décisions stratégiques, relatives aux droits ou à la dilution de l'investisseur et à la situation financière de la société. Les seuils d'autorisation doivent être négociés par rapport au stade de développement de la société et au secteur d’activité (montants des prêts, des rémunérations des salariés, etc…). Autre conseil : prévoir que les dépenses concernées sont celles qui ne sont pas prévues au budget annuel, ce qui permettra de ne plus avori besoin de repasser par le board pour celles prévues au budget.
4. Enfin, il faut faire attention au mode de fonctionnement du board. Plus il est simple, mieux c'est. Nous conseillons par exemple de prévoir :
(i) un délai de convocation court (voire pas de délai en cas d'urgence ou si tous les membres sont présents),
(ii) un quorum (i.e. nombre de personnes qui doivent être présentes pour qu'une décision soit prise) pour la première convocation mais pas de quorum pour la seconde convocation, pour pallier la politique de la chaise vide ;
(iii) un mode d’approbation des décisions qui soit simple en pratique, par exemple par tous les moyens écrits y compris l'email.
Dans la term-sheet, l'investisseur va demander deux types de droits : des droits financiers et un droit d'information.
On va par exemple retrouver :
• Le droit de priorité à souscrire à tout nouveau financement. Il faut le challenger et l'encadrer s’il est accepté, en vérifiant par exemple :
Ca permettra de discuter avec des tiers et donc d'aller chercher une valorisation plus intéressante.
• On peut aussi avoir une clause d'anti-dilution : c'est le droit pour l'investisseur de maintenir sa détention capitalistique. C'est classique et acceptable, mais il faut l'encadrer. Certains investisseurs veulent parfois ajouter un droit de sur-souscription, c'est-à-dire que si un investisseur n'utilise pas son droit anti-dilution, les autres peuvent "prendre sa part" et sur-souscrire. Ce genre de clause est à refuser. Il faut veiller aussi à ce que la clause antidilution ne joue pas pour les augmentations de capital suite à l'exercice de BSPCE ou de BSA.
• Une autre clause fréquente est le droit de liquidation préférentielle. Globalement, en cas de cession de la société, le montant de la cession va être réparti entre les différents actionnaires au prorata de leur pourcentage dans la société. Mais l’investisseur peut vouloir se servir en priorité pour sécuriser son investissement, surtout si la cession se fait à un prix par action inférieur à celui auquel lui-même est rentré. C'est là que la clause de liquidation préférentielle intervient, pour déterminer l'ordre dans lequel se fera la répartition entre les uns et les autres.
La liquidation préférentielle idéale selon nous est celle qui prévoit les rangs de distribution suivants :
Selon le tour de levée, plus on se rapproche de l’exit, plus l’investisseur va négocier un multiple au rang 2, ce qui est normal : plus on se rapproche de l'exit, plus on accorde des droits préférentiels importants puisque l’investisseur n’a plus beaucoup de temps pour faire son retour sur investissement, alors qu'il a payé ses actions beaucoup plus cher que tout le monde.
On peut aussi avoir :
Outre la limitation de transferts de leurs titres, les fondateurs•trices vont être soumis•es à certains engagements, en tant que fondateurs•trices et opérationnels•elles.
En général l'investisseur attend 4 engagements, que l’on va retrouver dans la term-sheet :
A noter : chez les salariés une clause de non concurrence n'est valable que si elle est rémunérée. Pour les mandataires sociaux, ce n'est pas obligatoire mais ça semble plus équitable. Si une rémunération est prévue, alors elle doit être raisonnable, par exemple 30% de la rémunération moyenne perçue les 12 derniers mois, parce que cela a un coût pour la société qui paie des cotisations sociales dessus.
On peut avoir un "bad" leaver, un "medium leaver" ou un "good leaver". En fonction du type de leaver, le prix auquel le fondateur / la fondatrice être forcé•e de vendre ses actions sera plus ou moins décoté.
En cas de révocation de ses fonctions pour faute grave ou lourde (avec intention de nuire), en cas de violation des engagements de non-concurrence, d'exclusivité, de cession de droits de propriété intellectuelle, alors le fondateur / la fondatrice part en bad leaver.
S’il•elle démissionne ou est révoqué•e de ses fonctions pour un cas qui n'est pas bad leaver, avant la fin de la durée de leaver, son départ est en medium leaver.
Et enfin s’il•elle part pour une raison qui ne dépend pas de lui•elle (en cas de décès, invalidité, incapacité, de la personne ou d'un proche) alors son départ est en good leaver.
Nous l’avons déjà dit, mais c'est important de le répéter : gardez en tête l’équilibre des blocs de détention. L'idéal est d'avoir des rangs de bénéficiaires, par exemple :
Il est clairement recommandé de refuser que seul l'investisseur bénéficie des clauses de leaver, sinon il se reluera à moindre coût, ce qui créera un déséquilibre capitalistique risqué pour les prochains tours.
Il n'est pas du tout choquant de voir que la première année suivant la levée de fonds, le prix de cession des actions sous promesse soit à la valeur nominale peu importe le cas de départ. Cela permet d’éviter que le fondateur / la fondatrice ne quitte le projet juste après la réalisation de la levée.
Sinon en général :
Comment définir la valeur de marché des actions sous promesse ?
On peut la définir de gré à gré, ou par référence à la valorisation de la dernière augmentation de capital. A défaut, on peut aussi faire appel à un expert.
Certaines clauses sont à refuser d'office.
Elle permet à l'investisseur d'avoir les mêmes droits que les prochains investisseurs alors qu'il ne participe pas au tour de financement. C'est un réel frein pour les prochains tours, les futurs investisseurs n’accepteront pas.
C'est le droit pour l'investisseur de faire racheter ses actions par les fondateurs, si certains évènements surviennent : divergence de stratégie, violation de certaines clauses du pacte. C'est une vraie épée de Damoclès pour les fondateurs•trices, qui de surcroît n’auront généralement pas les moyens de racheter les actions de l'investisseur. Pour contrer l'effet de ce droit, on peut limiter son exercice à des cas extrêmes (en cas de blanchiment d'argent par exemple).
Concrètement, ce droit veut dire que si l'investisseur vend ses actions à quelqu'un, qui les revend plus cher par la suite, l'investisseur a droit à un cut.
Si vraiment il est impossible de l'éviter, il faut l'encadrer pour en limiter les effets : par exemple, prévoir que le droit ne joue que si la revente intervient dans les 6 mois ou si le prix de la nouvelle cession est x% supérieur au prix de cession initial.
Vous devriez à présent être imbattables en négociation de term-sheet. Evidemment il y a parfois d'autres subtilités ou des solutions alternatives selon les cas de figure, mais nous vous avons donné les clés essentielles pour vous approprier le sujet.
N'oubliez pas : toutes les clauses que vous négociez seront la base de vos pactes d'associés et n'auront plus à être négociées à la fin du processus de levée. Le pacte d'associés servira quant à lui de base de négociation pour les prochains tours, du côté des fondateurs•trices comme du côté des potentiels investisseurs.
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