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Plateformes #5 : Créer une plateforme d'économie collaborative

L’économie change, les modèles de revenus changent. Aujourd’hui, grâce aux plateformes en ligne, n’importe qui peut vendre des objets qu’il n’utilise plus, trouver des personnes intéressées par un covoiturage, proposer des services d’entraide entre voisins ou louer son appartement quelques semaines pour financer ses vacances.

Tout ça, c’est de l’économie collaborative. Ce système fait aujourd’hui partie du quotidien de milliers de Français et au delà d’un premier effet de mode, est devenu une vraie tendance de fond. Grâce aux plateformes de mise en relation, le système a pris de l’ampleur et permet aujourd’hui des relations de partage et d’échange bien au delà du cercle intime. Aujourd’hui, on fonctionne dans un cercle large. De facto, cela permet aux personnes qui le souhaitent d’arrondir leurs fins de mois.

Mais, qui dit élargissement du cercle, dit nécessairement plus de revenus. Les administrations se sont rendu compte qu’il y avait beaucoup d’argent gagné par des particuliers via ces plateformes. Le problème est que ces particuliers gagnaient de l’argent sans statut professionnel et sans payer d’impôts ni de cotisations sociales.

Les administrations sont donc intervenues afin d’encadrer ça.

Conséquence : si tu envisages de lancer une plateforme d’économie collaborative, il y a un certain nombre de choses que tu dois savoir : qu’est-ce qui attend tes utilisateurs? Est-ce qu’ils vont être obligés d’avoir un statut? est-ce que tu ouvres ta plateforme aux professionnels? Quelles sont tes propres obligations en tant que plateforme à l’égard de tout ça?

Nous allons voir tous ces sujets dans cet article.

1. Identifier les obligations auxquelles vont être soumis tes utilisateurs

La première chose à identifier quand tu projettes ton modèle économique est le type d’utilisateur que tu vas cibler et les obligations auxquelles ces utilisateurs sont soumis :

  • est-ce que tu souhaites mettre en relation des particuliers avec des professionnels, ou uniquement des particuliers entre eux?
  • et si tu ne vises que des particuliers, est-ce qu’ils ne vont pas quand même être obligés d’avoir un statut pour percevoir des revenus via ta plateforme?

Cela va forcément avoir une incidence sur l’expérience utilisateur et donc sur l’acquisition de tes utilisateurs et la croissance de ta plateforme : si des particuliers s’inscrivent sur ta plateforme pour gagner un revenu occasionnel mais apprennent après coup qu’ils ont besoin de s’enregistrer à l’Urssaf ou de payer des impôts sur ce qu’ils gagnent, ça risque d’être très déceptif pour eux.

En clair, pour bien cibler tes utilisateurs et les faire venir en masse sur ta plateforme, il faut que tu saches ce qui les attend et que tu puisses les informer en amont sur leurs obligations fiscales et sociales.

Commençons par l’aspect fiscal.

2. Obligations fiscales de tes utilisateurs

Fiscalement, tous les revenus sont imposables au premier euro, quels que soient l’origine du revenu, le montant, et que ce revenu soit occasionnel ou accessoire.

  • Ton utilisateur met  en location un logement meublé : il doit déclarer ses revenus à l’administration fiscale.
  • Il propose un service contre rémunération, un cours de yoga, par exemple : il doit aussi déclarer ses revenus.
  • Ton utilisateur loue un bien, par exemple sa voiture : tu as compris, c’est la même chose, il doit déclarer ses revenus.

L’administration fiscale a créé une série de fiches pour expliquer comment déclarer chaque type d’activité.

Il existe deux cas particuliers où il n’y a rien à déclarer, sous certaines conditions : le covoiturage et la vente de biens d’occasion.

  • Pour le covoiturage, l’idée est qu’il n’y a rien à déclarer tant qu’on reste dans du partage de frais. Ton utilisateur ne devra pas déclarer les revenus qu’il gagne avec le covoiturage si :

(i) il effectue les déplacements pour son propre compte,

(ii) pour chaque trajet, le prix est divisé entre tous les passagers sans excéder le barème kilométrique publié par l’administration fiscale et

(iii) si ton utilisateur garde à sa charge une partie du prix du trajet.

Si l’une de ces conditions n’est pas remplie, cette activité n’est plus considérée comme un partage de frais et les revenus doivent donc être déclarés à l’administration fiscale.

  • Le deuxième cas particulier est celui de la vente de biens d’occasion. Si ton utilisateur vend des biens qu’il ne souhaite pas conserver, il n’a rien à déclarer, sauf dans certains cas (par exemple la vente de bijoux ou d’oeuvres d’art reste soumise à déclaration).

Voilà pour la partie impôts.

Mais en économie collaborative, tes utilisateurs peuvent aussi devoir payer des cotisations sociales.

3. Obligations sociales de tes utilisateurs

Sur ce point, l’Urssaf prévoit pour chaque type d’activité collaborative des seuils, au-delà desquels un particulier doit s’immatriculer et payer des cotisations sociales sur les revenus qu’il touche.

Par exemple pour la location d’une voiture, le seuil était en 2022 de 8 227 euros gagnés dans l’année. Tant que l’utilisateur reste en dessous du seuil fixé, il reste simple particulier. S’il le dépasse, il devra s’immatriculer et verser à l’Urssaf des cotisations sociales.

Attention, pour les prestations de services, par exemple le cours de yoga évoqués précédemment: il n’y a pas de seuil! L’Urssaf considère que des cotisations sociales sont dues dès le premier euro gagné.

Il existe deux cas particuliers, un peu comme tout à l’heure sur les aspects fiscaux:

Le premier cas particulier concerne les activités qu’on appelle de “co-consommation”. Le covoiturage rentre dans cette catégorie, mais elle peut être plus large.

L’Urssaf admet que ces activités ne sont pas considérées comme des activité professionnelles si deux conditions sont remplies :

  • Première condition : les revenus doivent être issus de la  « co-consommation », ce qui signifie que celui qui rend la prestation de service concernée en bénéficie également, au même titre que les personnes avec lesquelles les frais sont partagés ;
  • Deuxième condition : les revenus perçus ne doivent pas excéder le montant des coûts directs engagés à l’occasion de la prestation. Ils ne doivent couvrir que les frais supportés à l’occasion du service rendu.

Si l’une des conditions manque, on sort de la co consommation et l’activité a un caractère professionnel, il faut donc s’enregistrer pour cette activité.

Le deuxième cas particulier est la vente de biens personnels à titre occasionnel : par exemple la vente d’anciens habits ou de jouets.

Attention, on parle uniquement ici d’objets personnels, pas de biens qui auraient été achetés ou fabriqués spécifiquement pour les revendre. Ce dernier cas serait une activité professionnelle et ton utilisateur devrait s’affilier dès le premier euro.

Mais si ton utilisateur ne fait que vendre occasionnellement ses propres biens, les revenus générés par ces ventes ne sont pas soumis à cotisations sociales et ton utilisateur n’a donc pas besoin de s’affilier pour les réaliser. En revanche, dès lors qu’il réalise des ventes de biens personnels à titre habituel, il devra s’immatriculer.

L’URSAFF ne définit pas ce qu’elle entend par des ventes occasionnelles et encore moins la frontière entre occasionnel et habituel, il est donc délicat de déterminer à partir de combien de ventes ou de quel montant on bascule sur une activité professionnelle. Il faut faire une analyse au cas par cas.

Pour chaque activité il y a donc des seuils ou des modalités spécifiques. L’Urssaf a réalisé des fiches sur lesquelles tu pourras retrouver tous les détails pour chaque type d’activité.

Dernière précision : il y a parfois encore d’autres régimes et d’autres solutions pour certaines activités, les services à la personne par exemple. Nous ne rentrerons pas dans le détail ici, mais si tu as des questions à ce sujet, je t’invite à nous contacter.

En tout cas tu l’as compris, ton utilisateur devra en général payer des impôts sur les revenus qu’il réalise grâce à ta plateforme et, en fonction des activités concernées et des montants gagnés, il pourra être obligé de s’immatriculer et de verser des cotisations sociales.

Maintenant que tu as ciblé tes utilisateurs et identifié les obligations auxquelles ils vont être soumis, tu vas pouvoir construire ta plateforme en conséquence.

4. Faut-il contrôler l’immatriculation de tes utilisateurs?

Nous avons évoqué à plusieurs reprises l’obligation pour tes utilisateurs de s’immatriculer, d’avoir un statut pour verser des cotisations sociales.

Alors quel est ton rôle dans cette obligation ? Est-ce à toi de vérifier s’ils doivent s’immatriculer ? Comment distinguer un utilisateur particulier d’un utilisateur professionnel ?

Tu as plusieurs possibilités :

  • soit tu laisses tes utilisateurs déterminer par eux-mêmes s’ils sont professionnels ou particuliers. Il faudra dans ce cas, à minima, les informer, et les guider dans les démarches à effectuer pour s’immatriculer, par exemple en tant qu’auto-entrepreneur.
  • soit tu peux décider d’aller un peu plus loin avec une charte ou une politique interne, dans laquelle tu vas fixer des seuils au-delà desquels tes utilisateurs devront s’immatriculer. Idéalement, il faut alors construire ta plateforme de façon à ce que tu puisses identifier quand un utilisateur passe un seuil ou qu’il est sur le point de le passe, et que tu lui demandes alors de s’immatriculer. Dans cette hypothèse nous te conseillons de ne pas fixer des seuils arbitraires (par exemple au-delà de 3 ventes ou au-delà d’un certain montant de revenus) que tu aurais déterminé sans te reposer sur des critères fixés par des autorités. Nous te conseillons plutôt de te baser sur les seuils imposés par les administrations fiscale et sociale.

Quand tes workflows sont clairs sur la vérification de l’immatriculation de tes utilisateurs, tu vas pouvoir te pencher sur d’autres aspects.

5. Faut-il contrôler la qualité des prestations?

En fonction de ton secteur d’activité, il est possible que des questions de contrôle de qualité se posent : dois-tu vérifier que tes utilisateurs sont en mesure de proposer les services qu’ils offrent ? Es-tu dans l’obligation d’effectuer des contrôles ?

La réponse est assez claire : si tu es sur de la simple mise en relation, tu n’as en principe pas l’obligation de contrôler les compétences ou la qualité des utilisateurs que tu mets en relation (pour en savoir plus sur ce sujet, nous et renvoyons à notre article sur le modèle de mise en relation).

Mais attention aux termes que tu utilises pour présenter ta plateforme. En effet, il faut être très transparent dans ton offre.

Par exemple, si ta proposition de valeur met en avant le fait que tu vérifies les qualifications des utilisateurs de la plateforme, tu vas devoir gérer ton niveau de responsabilité : plus les contrôles que tu annonces sont poussés, plus ta responsabilité sera élevée.

Une bonne pratique dans cette notion de contrôle de qualification est de mettre en avant le contrôle d’éléments objectifs, par exemple des diplômes, mais pas forcément de la qualité des prestations en elles-mêmes.

En général, tu vas aussi pouvoir mettre en place des systèmes de notation et d'avis des utilisateurs, qui permettront de réguler la plateforme sans forcément passer par un contrôle top-down classique.

Une précision est à souligner sur la location de biens immobiliers meublés : si tu opères une plateforme de location saisonnière ou touristique, tu es soumis à une réglementation spécifique qui t’impose de recueillir un certain nombre d’informations et de documents auprès de tes utilisateurs. Tu devras en outre contrôler qu'une résidence principale n'est pas louée plus de 120 jours par an par ton intermédiaire, bloquer toute transaction au-delà, et en informer la commune concernée. C’est l’un des principaux domaines dans lesquels tu dois vraiment contrôler tes utilisateurs au-delà de la promesse faite sur ton site.

6. Tes obligations d’information

La construction de ta plateforme implique également l’élaboration de conditions générales adaptées. En tant que plateforme d’économie collaborative, il faudra nécessairement intégrer certaines obligations d’information et de transparence vis-à-vis de tes utilisateurs, côté offre de services, comme côté client final.

Certains éléments essentiels sont à prévoir dans tes conditions générales. Nous évoquons les principaux ici mais attention, il peut y en avoir d’autres en fonction de l’activité de la plateforme.

Déjà, l’utilisateur qui utilise la plateforme pour acquérir un bien ou un service doit tout de suite savoir par qui est proposée l’offre, c'est-à-dire s'il s'agit d'un particulier ou d'un professionnel.

C’est important car si ton utilisateur est un particulier, il bénéficiera des règles protectrices issues du code de la consommation lorsqu’il est face à un professionnel.

De l’autre côté, si l’utilisateur qui offre le bien ou le service est un professionnel, il pourra être soumis à des garanties plus importantes.

Il est donc très important de renseigner la qualité des offreurs (particulier ou professionnel) dans tes conditions générales de manière claire et accessible.

Si l’offreur agit en qualité de professionnel, tu devras l’informer, préalablement au dépôt de son offre, des sanctions qu’il encourt s'il se présente comme un consommateur ou un non-professionnel, puisque ce serait trompeur. Tu devras également mettre à sa disposition l’espace nécessaire pour la communication des informations préalables à la vente d'un bien ou à la fourniture d'un service, prévues par le Code de la consommation.

Enfin, tu vas devoir rendre accessibles les informations sur les obligations fiscales et sociales de tes utilisateurs.

Tu vas devoir les informer, à chaque transaction qu’ils font, des obligations fiscales et sociales qui leur incombent. Cette information peut se faire en  mettant à leur disposition des liens vers les sites de l'administration fiscale et de l’Urssaf:

- sur www.impots.gouv.fr, concernant les obligations fiscales, lien suivant : https://www.impots.gouv.fr/portail/node/10841

- sur www.urssaf.fr, concernant les obligations sociales, lien suivant : https://www.urssaf.fr/portail/home/espaces-dedies/activites-relevant-de-leconomie.html.

Nous conseillons de leur mettre ces liens non seulement dans les conditions générales, mais aussi dans les emails qui leur sont envoyés pour confirmer la transaction.

A ce stade, tu as déjà bien avancé sur la conception de ta plateforme et de tes workflows pour assurer une communication claire avec tes utilisateurs au fur et à mesure de leur relation avec toi.

Il ne nous reste qu’un pan de ton activité à couvrir : tes obligations de déclarations régulières en tant que plateforme en fonctionnement.

7. Tes obligations de déclaration quand la plateforme tourne

Les plateformes d’économie collaborative ont des obligations de déclaration, vis-à-vis de leurs utilisateurs et vis-à-vis de l’administration fiscale.

Ton obligation envers tes utilisateurs passe notamment par le fait de leur adresser chaque année, en janvier, un document récapitulant le nombre total des transactions qu’ils ont réalisées sur ta plateforme au cours de l'année précédente, et bien sûr le montant brut touché au titre de ces transactions. Le but est de leur permettre d’effectuer leurs déclarations fiscales.

Mais pour faire bonne mesure, tu dois également envoyer ces informations à l’administration fiscale directement, tous les ans. Attention au contenu et à la forme de cette déclaration : ils sont très encadrés. L’administration a des exigences spécifiques, par exemple : le format de fichier et les rubriques qu’il comporte. Si tu ne les respectes pas, ta déclaration pourrait ne pas être acceptée et, dans certains cas, tu t’exposes à une amende. Nous te conseillons donc de consulter le site de l’administration fiscale, qui comporte des informations détaillées à ce sujet.

Il existe 2 cas dans lesquels tu seras dispensé de déclarer les revenus de tes « petits utilisateurs » à l’administration fiscale :

  • les ventes entre particuliers de biens d'occasion ou,
  • Les prestations de co-consommation sans objectif lucratif et avec partage de frais.

Dans ces deux cas, pas besoin de déclarer les revenus d’un utilisateur lorsque le total annuel qu’il a perçu n’excède pas 3000 euros et qu’il a réalisé moins de 20 transactions sur l’année. Au delà de ces deux conditions, l’obligation de déclaration s'applique à nouveau.

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