La question ici est de savoir quel impact est-ce que ça a pour une startup d'avoir un modèle économique où elle met en relation une offre (des restaurants de vente à emporter par exemple) avec une demande (des clients potentiels pour ces restaurateurs) ?
Cet article fait partie d'une série où nous creusons la question de ces types de modèles économiques où la plateforme n'est pas le seul acteur économique.
Notre article introductif explique les différences essentielles entre les deux grands modèles, la mise en relation et la sous-traitance.
Cet article va s'intéresser plus particulièrement à la mise en relation.
La mise en relation est le modèle en vogue ces dix dernières années. On le voit partout, tout simplement parce qu'il est attractif.
Mais avant de foncer tête baissée vers ce modèle, il est essentiel de bien le comprendre. L'objectif ici est que tu puisses vérifier s'il est bien adapté à ton activité et à tes exigences opérationnelles avant de te lancer.
L'idée du modèle de mise en relation est simple: c'est de proposer une plateforme ou un modèle qui va mettre en relation différents utilisateurs.
Qu'est-ce que ça veut dire? que la plateforme ne vendra pas le produit ou le service concerné, elle se limitera à proposer à ceux qui veulent l'acheter de les mettre en relation avec ceux qui le vendent.
La plupart du temps, sur ce genre de plateformes, on parle d'offre et de demande. L'offre, ce sont les utilisateurs qui proposent des biens ou des services à la vente et la demande, ce sont les clients finaux qui vont acheter ce que l'offre propose.
La particularité de ce modèle est donc que par le biais de la plateforme, des utilisateurs peuvent mettre des biens, des services ou des contenus à la disposition d'autres utilisateurs.
Il existe différents types de plateformes de mise en relation:
D'ailleurs, c'est aussi le modèle des plateformes d’économie collaborative donc des plateformes qui proposent le partage de biens, de services ou de connaissances entre particuliers. Ce sujet fait l'objet d'un autre article.
En pratique, dans un schéma de mise en relation, il existe 3 relations contractuelles différentes:
- D'abord, la relation contractuelle entre la plateforme et l'utilisateur qui fait une demande dans le cadre du service de mise en relation,
- et ensuite la relation contractuelle entre la plateforme et l'utilisateur qui fait une proposition dans le cadre du service de mise en relation.
(Le plus souvent, ces relations contractuelles se matérialisent par un ou ou plusieurs jeux de conditions générales que les utilisateurs doivent accepter sur la plateforme)
- La troisième relation contractuelle est celle qui relie l'offre et la demande et qui vient couvrir les produits ou services mis à disposition par l'une à l'autre.
Donc si la société qui exploite la plateforme va être partie aux deux premières relations contractuelles, celles avec ses clients, elle ne sera pas partie à la dernière.
Le plus souvent, pour cette relation entre utilisateurs, il n'y a aucun contrat écrit. En tant qu'exploitant de la plateforme, il suffit pour te protéger de préciser dans tes CGU que tu agis en qualité d'intermédiaire et que la relation contractuelle relative à la fourniture des services ou des produits vendus par l'offre est conclue entre l'utilisateur qui demande et celui qui offre.
En d'autres termes, la contractualisation entre tes utilisateurs ne relève pas de ta responsabilité.
Il y a certains points relatifs aux flux financiers qu'il faut avoir en tête avant de se lancer sur un modèle de mise en relation.
Lorsque tu mets en place un modèle de mise en relation, le réflexe habituel est de faire transiter les fonds versés par un utilisateur à l'autre par ton intermédiaire. En d'autres termes: le client final te paie, et tu reverses l'argent à l'utilisateur qui a fourni le produit ou service, en gardant une commission.
Mais attention, encaisser des sommes d’argent sur l’ordre d’une personne et ensuite transférer cette somme sur le compte bancaire d'une autre personne, ce sont des opérations de paiement, qui sont soumises à un monopole bancaire. C'est-à-dire que ces opérations ne peuvent être réalisées que par des banques ou des prestataires de paiement.
Ainsi, dans le cas où tu déciderais de choisir le modèle de mise en relation, tu ne pourras pas encaisser sur le compte de ta société les fonds versés par le client final en demande pour les reverser à l'offre.
Si tu le fais, tu risques des sanctions qui peuvent aller jusqu'à de l'emprisonnement et des amendes de montants élevés.
Un système d'exemption existe, qui permet d'encaisser et décaisser les sommes, dans certaines conditions et certaines limites. Attention toutefois, ce mécanisme est très encadré et nécessite en principe de déposer un dossier d'exemption.
Mais pas d'inquiétude, il y a une solution simple au problème de l'encaissement pour compte de tiers : faire passer les flux de paiement par un prestataire de services de paiement tiers type MangoPay ou Stripe Connect, qui lui est agréé pour les gérer. Il faut juste s'assurer de prendre en compte le coût de ce prestataire dans le business plan de la société.
La plateforme n'a en principe pas le droit de fixer elle-même ce prix, c'est la personne qui les offre sur la plateforme qui doit pouvoir le faire.
Le prix du service d'une plateforme de mise en relation est uniquement sa commission, il n'y a pas de notion de marge dans un tel modèle.
Tu vas donc déterminer le montant de la commission que tu prélèveras sur les flux financiers entre tes utilisateurs. C'est là dessus que tu peux jouer et c'est sur cette base qu'il faut que tu définisses ta politique commerciale.
La question importante est de savoir à qui tu fais payer ta commission : tu peux choisir de la faire porter soit par l'offre, soit par la demande, soit par les deux.
Sur ce sujet, nous te renvoyons à notre article qui t'explique les incidences de ce choix en termes fiscal et financier.
Une fois que tu as réglé la question des flux financiers, tu dois avoir en tête les obligations qui vont peser sur toi vis à vis des uns et des autres dans le cadre de ta mise en relation.
Si ta demande est un consommateur et pas une société, tu vas avoir une obligation d'information à l'égard de ces consommateurs.
Cela veut dire que tu vas devoir notamment communiquer aux utilisateurs qui bénéficient des produits ou des services:
(i) Une description de l’activité des utilisateurs qui offrent les produits ou services,
(ii) La qualité des personnes qui déposent des offres (est ce que ce sont des professionnels ou des particuliers),
(iii) une description de ton service de mise en relation ainsi que le montant de ta commission,
(iv) le prix du service ou des produits proposés par l'utilisateur,
(v) Les modalités de paiement de ce prix et de ta commission.
Tu peux intégrer ces informations dans tes conditions générales qui devront être acceptées par tes utilisateurs lors de leur inscription.
Dans un modèle de mise en relation, tes utilisateurs sont indépendants de ta plateforme et non salariés. Malgré tout, il peut exister un risque de requalification de tes utilisateurs côté offre en contrat de travail dans certains cas. Ce risque est abordé en détail dans l'article sur la sous-traitance car c'est là qu'il est le plus important. Ce qu'il faut retenir, c'est que plus le prestataire auquel la plateforme envoie du travail est autonome et indépendant, plus ce risque est faible. Tu ne dois donc surtout pas donner d'instructions à tes utilisateurs côté offre sur leurs horaires, leurs outils de travail, leur dresscode, leurs vacances, leur façon de travailler, etc....
Malgré tout, tu as des obligations vis à vis des travailleurs indépendants, qui peuvent ressembler aux obligations que tu aurais vis à vis de salariés dans certains cas.
En effet, si malgré les explications ci-dessus, ou parce que ta plateforme est soumise à une législation spécifique qui le permet, ta plateforme détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix, tu as une responsabilité sociale vis-à-vis des travailleurs de ta plateforme.
Le Code du travail t'impose en effet de prendre en charge le paiement de certaines cotisations et frais liés à leur protection sociale (par exemple l'assurance en cas d'accident du travail). Cette obligation s'enclenche à partir du moment où le travailleur indépendant réalise un chiffre d'affaire égal ou supérieur à 13% du plafond annuel de la sécurité sociale sur la plateforme (pour 2021, ça fait un peu plus de 5 300 €).
En ce qui concerne le RGPD en principe, tu as la main sur les données personnelles des personnes qui souhaitent être mises en relation via tes services. Tu es à l'initiative de la collecte des données grâce à ta plateforme de mise en relation, tu en détermines les objectifs et les moyens. Tes services de mise en relation sont rendus en ton nom, sous ta marque. En terme de qualification, cela veut dire que tu es responsable de traitement.
La conséquence principale est que c'est à toi de veiller au respect du RGPD - Si tu n’es pas familier avec les notions de responsable de traitement ou de RGPD en général, tu peux lire notre article à ce sujet.
Tu dois aussi informer les utilisateurs sur le traitement de leurs données dans une politique de confidentialité - nous avons réalisé une vidéo à ce sujet.
On peut se poser la question de la relation avec les utilisateurs de la plateforme : pour les mettre en relation, tu dois transmettre les données à caractère personnel de l'un à l'autre.
En règle générale, la ligne de partage est simple : ils sont considérés comme des destinataires des données et donc responsables de leur propre traitement. Un conseil à ce sujet: tu peux limiter ta responsabilité en rappelant cet aspect dans tes conditions générales et en imposant à tes utilisateurs de respecter le RGPD.
Tu l'as compris, dans la mise en relation ce n'est pas la plateforme qui vend le produit ou qui fournit la prestation.
Ce modèle présente un certains nombres d'avantages :
Evidemment, ce modèle n'a pas que des avantages.
Pour récapituler, la mise en relation consiste à créer un lieu de rencontre entre une offre et une demande.
Attention, si tu adoptes ce modèle, notamment avec des professionnels, il faudra être clair sur les modalités selon lesquelles tu proposes tes services lorsque tu négocieras avec tes clients, notamment lorsqu'il s'agit de grands comptes, afin d'éviter toute incompréhension.
Ce n'est toutefois pas toujours le modèle le plus adapté, même lors du lancement d'une société.
De la même manière, lorsque ta société grandira et aura les épaules pour assumer plus de responsabilités, tu pourras souhaiter avoir plus de maîtrise sur ta politique commerciale, quitte à assumer plus de risques.
Dans ce cas, tu vas peut-être devoir t'orienter plutôt vers l'autre grand modèle : la sous-traitance, qui fait l'objet d'un autre article détaillé.